Suite à notre première partie, voici un aperçu des principales méthodes de culture et de vinification pratiquées dans le vignoble aujourd'hui.
En essayant de rester simple et digeste...


Agriculture conventionnelle

Méthode « classique » la plus répandue (90% du vignoble), qui utilise tous les outils et produits chimiques autorisés par la réglementation, de la culture de la vigne à l'élaboration du vin.
Les maladies de la vigne et les envahisseurs sont soignés et détruits à l'aide de produits chimiques. La vinification peut faire intervenir de nombreux procédés et intrants pour aider à obtenir un vin calibré et « propre », exempt de défauts qui nuiraient à sa dégustation.
Grâce à un grand nombre de techniques et à un outillage qui ne cesse d'évoluer, on peut dire que certains vins sont maintenant des produits de haute technologie.
Ne se conformant à aucun label, si ce n'est à la réglementation en vigueur, l'utilisation de  produits de synthèse, le respect de l'environnement et de la santé humaine sont à la discrétion du domaine.
L'absence de label sur une bouteille ne veut pas dire que le vigneron utilise massivement tous les produits chimiques autorisés par la législation. Il peut avoir une approche raisonnée. Plus rarement, il peut même être complètement nature, mais refuser de labelliser son vin pour diverses raisons.
L'agriculture conventionnelle permet de faire quasiment n'importe quoi, dans le respect de la loi bien entendu.
La meilleure solution pour s'y retrouver est donc de bien connaître son vigneron et ses méthodes !

Agriculture raisonnée

Certification Terra Vitis
Certification Terra Vitis
Comme son nom l'indique, la panoplie de produits chimiques est utilisée de manière raisonnée.
Le domaine peut s'affilier à un organisme comme Terra Vitis, qui l'aidera à faire une utilisation plus précise et raisonnée de chaque traitement.
Le contexte local et le maintien de la biodiversité sont pris en compte avant de prescrire des actions ciblées.
L'objectif est de limiter l'utilisation trop massive de produits chimiques. L'approche se veut plus chirurgicale.
L'affiliation à un organisme engage le vigneron sur le respect d'un cahier des charges. C'est donc un point de repère pour le consommateur.
L'agriculture raisonnée, si elle n'est pas reconnue par un label, est une notion plutôt vague. Chacun plaçant le curseur du « raisonnable » où il l'entend...
Encore une fois, vous devrez avoir confiance dans l'honnêteté de votre vigneron.

Vin biologique

Avant 2012, le vin pouvait être "produit de raisins issus de l'agriculture biologique", mais aucune règle n'encadrait les pratiques de vinification.
Cette situation kafkaienne a évolué, et la réglementation européenne impose maintenant un cahier des charges biologique à toute la chaîne du vin, de la vigne à la mise en bouteille.
Certification française Agriculture Biologique
Certification française Agriculture Biologique
Certification européenne Ecocert
Certification européenne Ecocert
Pour en savoir plus, voici une fiche pratique du label Ecocert :
http://www.ecocert.fr/sites/www.ecocert.fr/files/FDSVinif.pdf
Cette réglementation fait débat.
Pour certains, le bio y est dévoyé et les pratiques trop permissives pour la vinification, de sorte qu'on perd la philosophie du bio.
D'un autre point de vue, c'est une première étape d'harmonisation européenne nécessaire, qu'il faudra faire évoluer vers des pratiques plus exigeantes.
Si vous souhaitez vous faire une opinion, le débat suivant vous donnera de bonnes pistes.

Vous pouvez retenir qu'à la vigne, les produits chimiques comme les herbicides et pesticides sont bannis, et les traitements autorisés sont principalement à base de soufre et de cuivre.
Effets visibles des herbicides
Effets visibles des herbicides
Enherbement maîtrisé
Enherbement maîtrisé
Enherbement libre et traces de travail du sol
Enherbement libre et traces de travail du sol
Quant à la vinification, c'est là que le bât blesse. Les intrants sont plus encadrés qu'en conventionnel, mais il y en a toujours beaucoup !
Par exemple, la dose de soufre totale autorisée n'est que très légèrement inférieure au conventionnel.  (150 mg/l pour le rouge à 200 mg/l pour le blanc en conventionnel, 100 mg/l à 150 mg/l pour le bio.)
A chacun ensuite d'appliquer ses règles avec plus ou moins de finesse.
Généralement, un vigneron ne se décarcasse pas à la vigne pour ensuite écraser le tout au chai en ajoutant trop d'intrants. Il applique une philosophie globale. Et les vignerons qui faisaient déjà du bio en France avant cette harmonisation s'imposent bien souvent des règles plus rigoureuses !
Mais un cahier des charges trop laxiste est la porte ouverte à des pratiques peu scrupuleuses ou plus industrielles. Le risque est de dévoyer la philosophie initiale du bio et de perdre un peu plus le consommateur, qui fini par ne plus savoir à quel label se vouer !
Là encore, intéressez-vous à votre vigneron ou vigneronne. Son label va-t-il de pair avec une philosophie, ou bien est-il uniquement dans une démarche mercantile ?

Biodynamie

La biodynamie a également ses labels. En France, vous trouverez Demeter et Biodyvin.
Mais il existe des domaines qui appliquent certaines méthodes de la biodynamie sans revendiquer pour autant une certification.
Certification Demeter
Certification Demeter
Certification Biodyvin
Certification Biodyvin
Le grand penseur de la biodynamie est Rudolf Steiner. Maria Thun est également souvent citée pour son étude des cycles lunaires.
D'un ensemble de théories ésotériques, on a tiré des pratiques bien concrètes appliquées à l'agriculture et à la viticulture.
La biodynamie est en quelque sorte l'homéopathie de la vigne.
Elle permet de renforcer l'écosystème global de la vigne, afin que le milieu s'équilibre de lui-même pour lutter contre les agressions.
On favorise donc toutes les espèces de flore et de faune qui gravitent autour du vignoble. Le sol et la plante sont nourris et soignés par des ajouts de composts, de tisanes et de préparations dynamisées, et les cycles lunaires sont respectés. Mais ce n'est là qu'un aperçu !
Concernant la vinification, les labels biodynamiques sont également très restrictifs sur les intrants autorisés.
Voici par exemple le cahier des charges de Demeter. Pour ne citer que le cas du soufre (souvent pris en exemple mais ce n'est pas le seul intrant), on passe à un volume total (soufre naturel + soufre ajouté) de 70 à 90 mg/l.
Pour certains, la biodynamie est une continuité logique après une certification bio. Arrêter l'apport d'intrants chimiques dans le vignoble est une chose, mais il faut trouver d'autres moyens de nourrir la terre et la plante.
Pour d'autres c'est une « secte », qui relève plus de l'ésotérisme que de la science.
Tout dépend de la philosophie avec laquelle elle est appliquée.
La biodynamie offre une lecture à plusieurs niveaux, c'est un paradigme à part entière. D'un point de vue très pragmatique, elle propose un ensemble cohérent de règles et de repères à suivre tout au long de l'année.
Quant à sa dimension métaphysique, si le vigneron et son vin y trouvent un supplément d'âme, tant mieux après tout.
Chez certains, lassés des pratiques conventionnelles, la biodynamie a agi comme un second souffle salvateur.
Certifier un domaine en biodynamie n'est pas anodin, et implique une sérieuse remise en question des méthodes de travail. C'est un choix trop risqué pour certains, qui n'en resterons pas moins sensibles à ces pratiques, mais préférerons garder des marges de manœuvre et ne pas s'affilier à un label.
Les résultats sont souvent probants, avec un saut qualitatif indéniable au bout de quelques années. Ne serait-ce que parce que le vigneron développe une meilleur compréhension de son terroir et de ses vignes, qui le lui rendent bien.

Vin nature

Il n'y a pour l'instant pas de certification "Vin nature", mais des vignerons s'engagent sur des chartes et se regroupent au sein d'associations comme l'Association des Vins Naturels ou encore les Vins S.A.I.N.S.
Un vin nature ou naturel est un vin sans aucun intrant. Certains s'autorisent cependant un léger ajout de soufre, au cas par cas et par précaution avant la mise en bouteille.
Suer sang et eau à la vigne pour ensuite laisser tourner son vin sans intervenir, c'est difficile à accepter.
Mais entre un domaine qui ajoutera un peu de souffre naturel volcanique pour un maximum en bouteille de 30 à 40 mg/l et un vin conventionnel qui pourra contenir jusqu'à 200 mg/l, il y a un monde !
D'autres s'interdisent l’ajout d'intrants coûte que coûte, comme les adhérents à la charte des vins S.A.I.N.S.

Selon les années, il est plus ou moins facile de laisser faire. En fonction de la météo, la maturité du raisin est différente, les baies sont plus ou moins saines (grêle, humidité...)... Les talents de vinificateur sont parfois mis à rude épreuve !
Produire un vin nature qui restera droit dans ses bottes, c'est de la haute couture, un travail d'orfèvre. Il faut être intransigeant de A à Z et le travail commence au bout de la pioche dans les rangs de vigne.
A l'opposé de l'interventionnisme, on cherche à avoir une vendange avec le maximum de potentiel, et à préserver ce potentiel à toutes les étapes de la vinification, en accompagnant le vin plutôt qu'en cherchant absolument à le corriger. Toute manipulation au chai, qu'elle soit chimique ou mécanique, est vue comme traumatisante et dénaturante.
Par exemple, pour transvaser les jus, on préférera l'utilisation de la gravité naturelle à l'utilisation d'une pompe.
En matière de vin nature, il y en a pour tous les goûts.
Certains sont dans la maîtrise la plus complète possible, et ne s'autorisent pas de « déviance » qui nuirait au plaisir gustatif.
Quelques-uns revendiquent le risque de « défauts », qui pourront faire un peu friser les moustaches des néophytes.
La question est de savoir si on doit encore parler de « défaut » quand c'est un résultat assumé, comme faisant partie intégrante du vin.
L'amateur et son plaisir gustatif sont seuls juges. Car c'est ce qui compte après tout.
Ce n'est pas parce qu'un vin est nature qu'il sera bon. Mais une approche plus naturelle rend encore plus évidentes les composantes essentielles du vin : le terroir, la vigne et le talent des hommes et femmes qui font le vin.
Il n'y a plus de cosmétique pour masquer les manques et les défauts, ou pour rattraper un millésime catastrophique.
Sans artifice, le vin nature est un vin à forte identité, révélateur des talents et des terroirs.
A suivre : Quels enjeux et que choisir ?